La position centrale de cette avenue commerçante, en tension entre la Place Centrale et la gare, en fait un espace public majeur de la ville. Son réaménagement ne concerne pas seulement la mise en place de dispositifs routiers de modération du trafic de transit au sein du centre-ville. Il en va de la création d’un espace public complémentaire à la Place Centrale, lieu identitaire des Martignerains.
Esthétique d'un ensemble
Le concept de réaménagement de l’avenue de la gare résulte d’une analyse de son histoire et de ses caractéristiques (débordements de la Dranse, invasions et famines à l’époque médiévale). La maîtrise de l’élément naturel et la stabilité politique (entrée du Valais dans la confédération en 1815) marquent un tournant pour la ville. La Place Centrale est constrite de 1819 à 1914, comme centre de commerce régional, symbole de liberté, à l’image de la piazza italienne. A l’arrivée de la voie ferrée (1860) Martigny voit sa géométrie se modifier en direction de sa nouvelle gare au Nord et l’avenue de la gare devient la nouvelle artère et porte d’entrée de la ville.
Principe d'aménagement
L’aménagement proposé se veut le plus épuré possible, pour contrebalancer le foisonnement architectural de l’avenue. Il cherche à relier l’avenue à la trame urbaine, en utilisant des matériaux similaires. A l’image des places de Martigny qui se détachent dans un liant commun, l’avenue de la gare propose elle-même son propre motif: les «banquettes».
Ces largeurs dallées de pierre de Salvan, agrémentées d’un mail d’arbre unilatéral, résolvent tous les points du cahier des charges: retrouver une ambiance agréable, sécuriser les piétons, créer de l’ombrage. La chaussée est ainsi décalée au Sud et réduite à 5,80m, garantissant le croisement de deux bus.
La place gagnée par rapport au surdimensionnement actuel dégage un large espace de déambulation sous les arbres, véritable promenade reliant la Gare à la Place Centrale.
Des « salons » ponctuent le linéaire et proposent des haltes bienvenues, où le visiteur peut profiter d’une succession de quatre sculptures et de bancs à l’ombre des arbres. Une végétation arbustive basse prend place autour de ces salons offrant pour créer une sentiment d’« adossement » atténuant les nuisances liées au trafic.
Matérialités
L’un des enjeux du projet est de se soustraire aux choix déjà bien arrêtés de la ville en terme de matérialité dans les zones 30 et les zones de rencontre. En effet, une synesthésie opère, au souvenir d’un passage à Martigny: des couleurs chaudes, des teintes cuivrées, rosées, orangées, le contraste froid de la pierre de Salvan ou des granits du Tessin. Les ingrédients sont donnés, suffisamment nombreux pour ne pas en réinventer. L’essentiel est de trouver la combinaison juste, modérée, liant les différentes époques et styles qui cohabitent sur l’avenue de la gare.
Les matériaux retenus sont un enrobé bitumineux rugueux pour les trottoirs, un enrobé bitumineux phonique pour la chaussée, et la pierre de Salvan pour les banquettes et les bordures. Un soin particulier est apporté à l’accroche avec la Place Centrale: le pavage granit rosé est retravaillé pour améliorer la lecture d’un seuil d’entrée dans le coeur historique
Micro-climat, arborisation
L’avenue est orientée sur l’axe sud-ouest/nord-est. Il en résulte un front bâti dans l’ombre, et l’autre ensoleillé. L’ensoleillement relativement élevé sur la cité peut rendre l’atmosphère caniculaire. L’arborisation en place ne répond pas aux nouvelles contraintes de régulation du climat urbain. De plus, elle souffre de la minéralité du sol et nécessite des travaux de taille coûteux. Sa qualité et son état sanitaire invitent à une révision complète de l’arborisation sur l’ensemble de l’avenue. Le projet s’éloigne du traditionnel double alignement d’arbres de part et d’autre de la chaussée, de connotation très « routière », pour répondre au réel besoin d’ombrage du côté ensoleillé de l’avenue. L’arborisation prend place sur les « banquettes ». Le choix d’une essence unique traduit la volonté d’une forte cohérence de l’ensemble, dans ce contexte bâti hétéroclite. L’arborisation monospécifique de l’avenue cherche également à dialoguer avec celle de la Place Centrale, elle-même constituée d’une essence unique, le platane. Le choix de l’essence s’est porté sur Ulmus resista ® ’Rebona’, un orme de taille moyenne à grande, croissance rapide. Particulièrement approprié aux allées et aux rues grâce à sa forme adaptée et à sa facilité d’entretien, ’Rebona’.Il s’adapte facilement au climat des villes.
Modération du trafic
Le plan directeur du trafic pour le centre-ville est basé sur le concept « en anneau », qui prévoit un réseau de desserte vers l’intérieur irrigué par le réseau cantonal. L’avenue de la gare constitue l’un de ces axes de desserte, depuis le rond-point alimenté par la rue du Léman. L’avenue de la gare est une rue commerçante et culturelle où la circulation piétonne est particulièrement dense. Le maintien de l’accessibilité des véhicules pour la vie des commerces, engendre une cohabitation complexe aux heures de pointe. L’exploitation de cette avenue en zone 30km/h vise deux objectifs: améliorer le confort du piéton (ambiance, convivialité, identité de l’avenue) et réduire le trafic de transit par le centre-ville (mesures concrètes de diminution et de modération du trafic). L’enjeu du projet réside dans le juste partage des modes, la sécurité des piétons, la modération du trafic, tout en rendant possible les traversées piétonnes sur tout le linéaire. Le projet choisit d’adapter l’espace urbain en priorité aux besoins des piétons et se refuse d’employer des dispositifs associés au vocabulaire routier (bordures biaises, boute-roues, potelets, etc). Ce projet repose sur le dessin du sol et l’impact psychologique qu’il peut jouer sur les utilisateurs. Ainsi, ce n’est plus au piéton de descendre du trottoir pour traverser la chaussée. Grâce à la surélévation de la chaussée au niveau des carrefours, les conducteurs doivent s’ajuster à la présence piétonne et réduire leur vitesse. La typologie de l’avenue de la gare se prête particulièrement bien à ce principe de surélévation/abaissement de la chaussée.
Le projet distingue donc deux cas de figures sur le linéaire de l’avenue:
- les carrefours et leurs environs proches, lieux de transit piétonnier et routier entre le Nord et le Sud de la ville, brêches dans le front bâti bilatéral. Le projet veut ces traversées particulièrement intuitives grâce à l’uniformisation du revêtement de surface (enrobé bitumineux) et la surélévation de la route quasiment au même niveau que le trottoir. Un ressaut vertical de 2cm rend toutefois la limite du trottoir détectable par les personnes malvoyantes.
- les segments linéaires, entre deux fronts bâtis, lieux de circulation longitudinale pour les piétons, en pied de façade et sur les banquettes. Le projet renonce au « tout à niveau » et au champs de potelets qui en découle, qui constitueraient un obstacle à l’accès des camionnettes et l’installation des stands lors des marchés. Une bordure franchissable de 8cm, règle ces questions et accroît le sentiment de sécurité des piétons sur ces linéaires où les véhicules accélèrent et atteignent leur vitesse maximale (30km/h). La configuration du marché reste relativement similaire, avec une répartition des stands de part et d’autre de la chaussée et le maintien d’un passage en pieds de façades. Son emprise sera par contre étendue jusqu’au rond-pont du Minotaure. Des places de livraison ont été créées sur les rues latérales pour assurer le ravitaillement des commerces.
Eclairage
L’intention du projet d’aménagement est de proposer une identité nocturne à l’avenue de la gare en limitant la pollution lumineuse et en réduisant au maximum le mobilier d’éclairage. Le choix d’une colonne lumineuse au design épuré, permet de répond aux exigences d’éclairage spécifiques d’une avenue où se côtoyent piétons et automobilistes, et de s’inscrire dans la continuité de la Place Centrale. L’intégration de nombreuses fonctionnalités dans une seule et même colonne minimise le volume total du mobilier, au profit d’une avenue plus ouverte et d’une empreinte environnementale réduite. La mise en lumière des carrefours et passages pour piétons requiert une photométrie spécifique. Dans ce cas, les colonnes lumineuses seront associées à un luminaire classique.
Sculptures
Le rayonnement de la fondation Gianadda jusque dans les espaces publics de la ville participe fortement à son identité de ville d’art et d’histoire. Ce projet souhaite s’inscrire dans cette volonté d’offrir aux passants « l’art à portée de main », au coin de la rue, à des emplacements minutieusement choisis. En 2019, un concours d’artistes a été lancé par le service culturel de la ville pour choisir les quatre interventions artistiques qui prendront place au coeur des salons. En période COVID, la démarche connut un franc succès auprès du milieu artistique. Chacun peut donc désormais profiter de ces interventions artistiques depuis un banc public ou la terrasse d’un café, à l’ombre des arbres. Le touriste ou le passant sortant du train et empruntant l’avenue de la gare (l’une des portes d’entrée de la ville) bénéficie alors d’un avant-goût de l’identité culturel de Martigny. Son parcours peut ensuite bifurquer vers les différents pôles socio-culturels de la ville (la Bâtiaz, le CERM, la fondation Pierre Gianadda, Barryland, l’amphithéâtre romain, le stade d’Octodure, etc.). L’avenue de la gare devient la vitrine principale de la ville.
Mobilier
Le projet de l’avenue de la gare se présente comme une prolongation de la Place Centrale jusqu’à la gare. Pierre de Salvan, mâts d’éclairage et couverture végétale monospécifique sont choisis dans ce sens. Il en est de même pour le mobilier qui sera similaire à celui de la Place Centrale: chaises et bancs avec et sans dossier agrémenteront le linéaire, en particulier les salons autour des fontaines. Le mobilier des terrasses d’établissement sera libre mais fera l’objet d’une validation par la Ville. Les parasols seront quant à eux uniformisés. Arceaux vélos, panneaux publicitaires et poubelles s’inscriront dans cet ensemble cohérent.
Maitre d'ouvrage:
Ville de Martigny
Mandataires:
Atelier Grept, Clotilde Rigaud et Yannick Missou,
architectes-paysagistes lauréats du MEP
Moret & Associés SA, Ingénieurs civils, Martigny
Calendrier
2018 : Mandat d'Etudes Parallèles
2019 : Marquage des arbres par un déplacement du Maître d'Ouvrage et de l'architecte-paysagiste en pépinière (Pays-Bas).
février/juin 2021 : concours d'artiste pour 4 interventions.
avril/décembre 2021 : démarrage des travaux (GC, plantations et installation oeuvres d'art 1 et 2) sur la phase 1 entre la gare et la rue du Léman
février/août 2022 : travaux (GC et plantations) sur la phase 2 entre la rue du Léman et la rue du Grand-Verger
août 2022/avril 2023 : travaux (GC, plantations et installation oeuvres d'art 3 et 4) sur la phase 3 entre la rue du Grand-Verger et la place centrale.
Coûts : 8’500’000.-
dont notamment :
- Superstructures et revêtements : 4’500’000.-
- Plantations : 975’000.-
- Oeuvres d’art (4 pièces) : 400’000.-